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Instants Gay - Roman gay - Indy sans Jones
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#58 Lille

#58 Lille

#58 Lille

Le train était quasi vide et l'heure très matinale n'y était pas pour rien. D'autres avaient préféré dormir davantage et je les comprenais aisément.

 

Le réveil avait été une torture. Cela a toujours été pénible pour moi de me réveiller aux aurores, les yeux collants, le sentiment de fatigue et cette légère angoisse face à une journée qui sera longue. J'avais toujours cette illusion de penser que j'allais dormir dans le train. Il n'en était rien, jamais.

 

Fred, mon rédacteur en chef, m'envoyait couvrir un festival LGBT à Lille mais je n’avais que peu de temps pour découvrir la vie gay du Nord. Je devais être de retour pour la Brigitte Macron, le nom donné à la soirée organisée par Seb. Je n’avais qu’une vraie journée à Lille, et une soirée, durant laquelle j’étais censé profiter d’un vendredi soir gay endiablé, accompagné par une association LGBT locale.

 

Le Privilège et Café Liquidium côté bars. Le Happy Club côté boîte. Mais avant cela, l’association me présenterait son festival aussi coloré qu’engagé. Rien de tel qu’une conférence à 18 heures dans le Vieux-Lille au sujet de la répression LGBT en Hongrie pour se mettre en forme. Il me faudrait plusieurs bières pour me requinquer, mais je ne craignais pas la pénurie de houblon ici.

 

J’avais senti dès le réveil quelques courbatures me saisir et engourdir mon corps. Je ne connais que trop bien cette sensation, souvent présage à l’arrivée d’un rhume ou état grippal. Je déteste d’ailleurs cette expression “état grippal”. Tu l’as, ou tu ne l’as pas. Point. Mais en l’occurrence, je dois admettre qu’elle décrivait bien le moment présent. Il me faudrait trouver une pharmacie avant de trouver l’expo sur le voguing.

 

Les deux doliprane 500 avalés avec un Pepsi Max n'étaient pas suffisants et quelques échanges de SMS avec Jun m'avaient convaincu d'appeler mon ex.

 

J'avais l’œil brillant comme celui d'un épagneul en fin de vie.

 

. Benjamin, fais-moi une ordonnance ! Je veux un truc aussi fort que ce que prend Christine Angot pour planer à 10 000. Tu me dois bien ça.

 

Ma voix, aussi déterminée que fiévreuse, ne lui laissa aucun espace de réflexion, d'argumentation ou de sortie. Après le piège tendu en m'emmenant dans la soirée mondaine de ses parents, il ne pouvait pas refuser un service aussi minime que celui de me prescrire quelques médicaments.

 

Son ordonnance fut faxée - high technology - dans une pharmacie à proximité de la Grand'Place. La pharmacienne, bien que réticente à l'idée de valider une ordonnance rédigée par un médecin n'ayant pas vu le patient, administra les cachets et ajouta même un sourire. La province, quel savoir-vivre.

 

Mon collègue Julien, resté à la rédaction à Paris, m'encourageait par SMS et j'avais pris le pari de rire de la situation tellement j'étais en zombie devant l'exposition sur le voguing, pourtant présentée à moi par des gens charmants et passionnés qui restaient cependant à une distance raisonnable de mes microbes et de mon air cadavérique. Les médicaments faisaient cependant leur effet et au Café Liquidium puis à l'Happy Club, je pouvais même me permettre d'être dizzy au premier gin tonic. J'étais saoul aussi rapidement que ma mère en repas de famille, après un kir à la pêche. La maladie permet d'économiser sur l'alcool, je notais cela pour plus tard.

 

Le Happy, en plein Vieux-Lille, n'était pas réservé qu'aux gays et je me prenais comme toujours à baver sur les groupes d'hétéros venus chasser des filles aux prénoms courts nées à la moitié des années 90 : Lola, Cléa, Emma, Sara, Léa, Louna.

 

Je me prenais surtout à rêver à mon lit, et moins d'une heure après notre arrivée, alors que les Spice Girls entamaient un plaidoyer à destination de quiconque voudrait devenir leur lover, je me dirigeais vers le vestiaire sous l’œil compatissant de mes hôtes du jour. Au moment où le garçon du vestiaire me tendait mon manteau, une silhouette s'approcha de moi.

 

. Tu ne vas pas déjà partir quand même, je ne t'ai même pas embrassé !

#58 Lille