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Instants Gay - Roman gay - Indy sans Jones
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#59 Le Lillois

#59 Le Lillois

#59 Le Lillois

La situation était tout à fait improbable. J'étais dans un vieux courant d'air au vestiaire du Happy Club, une boite de Lille, gay-friendly. Manteau en main, prêt à partir dormir après une journée éprouvante à combattre un état grippal tout en tentant d'assurer au mieux le reportage pour mon magazine, raison de ma présence dans le Nord.

 

Ma mine éctoplasmique me faisait peur à moi-même, ce qui n'avait visiblement pas empêché ce gentil blond de me retenir au moment du départ.

 

. Tu ne vas pas déjà partir quand même, je ne t'ai même pas embrassé !

 

Mon regard était aussi incrédule que celui de Nadine Morano si on lui parlait de physique quantique. Que pouvait-il bien me vouloir, ce garçon ? Que pouvait-il bien me trouver, dans cet état ?

 

. Si tu m'embrasses tu vas choper ma grippe, répondis-je d'une voix rauque et sèche, limite mal-aimable, tout en enfilant mon manteau sombre en vérifiant machinalement que rien n'avait été oublié. Le bonnet, présent. Le briquet, présent. La carte bancaire, présente. La carte d'hôtel, présente.

 

. Je prends le risque, on fume une dernière clope à côté ?

 

Florian n'était pas dénué de charme, ni d'intérêt. Il n'était pas non plus la rencontre de la décennie, ni de l'année. Que pouvais-je bien faire à rester à côté, dans le froid lillois, pendant que Monsieur fumait sa clope, couvert de sa veste de costume ?

 

Je mouchais mon nez, rouge comme après une surdose de poppers. Sans classe et avec résignation.

 

Pour rester, dans ce froid, dans cette fatigue, n'était-ce pas simplement le signe de mon besoin de reconnaissance, d'affection, d'attention. Mon besoin narcissique qu'un homme me courre après, comme j'ai laissé faire Sven et Benjamin alors que j'étais avec François. Comme je laisserai en faire tant d'autres.

 

Florian parlait et je répondais machinalement, sans envie, sans foi. Sans énergie. A quoi bon me fatiguer pour un homme qui est venu me parler en étant conscient de mon état ? Il pouvait bien continuer à blablater, tout n'était pas à jeter. Et une nuit collé contre lui m'apporterait la chaleur attendue.

 

 

De nombreux kilomètres plus au sud, à Paris, Jun concrétisait avec un nouveau pygmalion la suite de sa carrière. Répétitions à venir, dont certaines en province, pour une pièce d'un auteur contemporain en vogue, et surtout la poursuite du travail d'écriture et la mise en scène de sa propre pièce. Un texte de Jun, présenté par Jun, avec sa vision et sa touche qui ferait la différence.

 

Pygmalion avait saisi qu'il ne mettrait pas Jun dans son lit, mais avait constaté par la même occasion que personne n'allait dans le lit de Jun. Il ne pouvait, dès lors, pas le prendre trop personnellement. Il avait la classe de rester fidèle à ses promesses de départ, pas toujours sincère mais au moins efficace, et il offrait à Jun une opportunité exceptionnelle que mon meilleur ami ne pouvait que saisir au bond.

 

Le calendrier allait même s'accélérer puisqu'en trinquant, par cette froide nuit et à une heure avancée, Pygmalion annonçait à Jun que l'auteur contemporain passait d'ici quelques minutes pour le rencontrer. Une énorme sensation d'angoisse saisit Jun.