Tout le monde il veut seulement la thune
Et seulement ça, ça les fait bander
Tout le monde il veut seulement la fame
Et seulement ça, ça les fait bouger.
La chanson d’Angèle passait dans la playlist du bar le Complexe pendant que Seb alternait sur son Iphone entre Grindr, Hornet, Instagram et Twitter. Et sur ces deux dernières applications entre ses différents comptes.
Bouger leur cul le temps d'un verre
Photo sur insta c'est obligé
Sinon au fond à quoi ça sert ?
Si c'est même pas pour leur montrer
J’étais planté devant lui, analysant le comique-grotesque-triste de la situation. Un homme seul face à son écran, alimentant de multiples comptes sur de multiples réseaux et tronquant manifestement la réalité. Etant aussi connecté que lui, j’avais déjà vu sa dernière publication : une photo le mettant en scène à siroter son cola, agrémentée de multiples filtres et d’un bon angle. Car clairement la réalité n’était pas à la hauteur du cliché entre le vide du lieu en plein après-midi, le crachin extérieur et sa moue triste.
À quoi bon ? T'es tellement seul derrière ton écran.
Tu penses à ce que vont penser les gens mais tu les laisses tous indifférents.
Comme beaucoup d’entre nous, Sébastien éprouvait un réel besoin d’exister via les réseaux et d’être désiré-commenté-liké. Une quasi peur-panique pouvait le saisir à l’idée de vieillir ou d’être oublié. Les deux allant de paire dans son esprit.
Peut-être je devrais m'éloigner
Loin du game
Loin du danger
Loin de cesser la course à la notoriété, Seb suivait à l’inverse une ascension fulgurante. Ses soirées étaient des succès incontestables et sa popularité ne pouvait que gonfler. Cependant, son égo ne gonflait pas de façon aussi démesurée car il était bien trop conscient de la fragilité de ce capital virtuel, et de son insignifiance finale.
Au fond j'avoue que même moi
Je fais partie de ces gens là.
Rassuré quand les gens ils m'aiment
Et si c'est très superficiel
Je n’aurais pas dit mieux.